Beurré
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C'est après 8 heures que car que je suis arrivé vendredi dernier, à
Phan Rang - Tháp Chàm, dans la province de Ninh Thuận, à environ 330 km
de Hồ Chí Minh Ville. Pour éviter de voyager à 15 sur une banquette de
3, j'ai en fait pris un car pour touristes. En gros, sur certains axes
très touristiques, genre Sài Gòn - Nha Trang, Huế - Đà Nẵng, Sài Gòn -
Đà Lạt..., les opérateurs touristiques, comme le Sinh Café ou Saigon
Tourist, proposent des trajets par des bus, plus chers que les bus
plublics, mais plus rapides car ne s'arrêtant pas en chemin prendre des
passagers supplémentaires ce qui, outre le ralentissement de la
vitesses commerciale (nombreux arrêts) est plus confortables (on
partage pas son siège avec une vieille dame qui vomit). Les seuls
arrêts sont ceux où lesquels l'opérateur a quelques copinages avec les
stations services ou les cafés restos. Comme Phan Rang n'est pas une
destination touristique, il faut prendre le trajet Sài Gòn - Nha Trang
et payer la totalité du voyage (7 $, en hausse de 1 $ depuis
l'augmentation du prix de l'essance).
Sur la route
Phan Rang, donc, n'est pas une ville touristique. Elle possède peu
d'hôtels en ville même, un certain nombre d'autres sont dans une zone
touristique balnéaire. C'est une ville jumelle qui comprend Tháp Chàm
(tour cham) et Phan Rang (du cham Panrang). Une ville rue, même, qui
part des tours cham de Po Klaong Garai (à côté desquelles se trouvent
une ancienne grande base militaire américaine et la gare de Tháp Chàm,
autrefois point de départ du train à crémaillères vers Đà Lạt) jusqu'à
Phan Rang donc, au bord du fleuve éponyme, soit un peu moins de 10 km.
Donc peu d'hôtels (je suis descendu au même hôtel qu'il y a 3 ans),
mais quasiment pas de restos (ou alors je ne les ai pas vus) et
surtout, une grande difficulté à louer une moto pour me balader. Vu le
prix du xe ôm et les balades dans la campagne que je voulais faire,
c'était indispensable de trouver une moto. Bon, finalement, en étant
insistant auprès de l'hôtel, ils ont fini par m'en trouver une. Louée
50 % plus cher qu'à Hà Nội ou Sài Gòn, mais au moins j'en ai une. Quant
à l'hôtel, il est très correct, j'ai le petit déj, tout ça pour 15 $...
En même temps, à part les 2 ou 3 premières nuits passées chez Madame
Cúc lors de mon arrivée à Hồ Chí Minh Ville, c'est la première fois que
je dois payer pour m'héberger (d'habitude, on m'hébergeait !!!).
Donc, si je suis à Phan Rang, c'est pour visiter un peu la
province, voir les villages cham et surtout assister à la fête du Katê.
La province est l'une des plus arrides du Việt Nam ce qui se voit sur
les paysages (végétations arrides, comme des cactus) et sur le type
d'agriculture (nécessité d'irrigation). On y élève des boeufs, des
chèvres et des moutons. Le raisin et les fruits du dragon de Phan Rang
sont réputés !! Quant aux villages cham, je m'attendais à quelque chose
de particulier, mais en fait, non. Les Viêtnamiens ont colonisés
progressivement tous les villages, lorsque, au cours de l'histoire, ils
ont chassé les Chams à coup de guerre ou de corvées. Par contre, on
peut observer le réseau d'irrigation mis en place par les Cham pour
irriguer les rizières. Dans les plus gros canaux, on voit les enfants
se baigner au milieu des boeufs, et juste à côté les femmes qui lavent
le linge.
Je suis quand même allé revoir deux tours cham de la région, Po
Klaong Garai et Po Romé. Po Klaong Garai se trouve sur une colline
d'une cinquantaine de mètres de haut. C'est l'une des dernières tours à
avoir été construites (fin XIIIème). Elle est donc l'une des mieux
conservées, du fait de la présence dans la région des Cham,
contrairement aux autres tours situés dans les provinces du Centre qui
ont été abandonnées en même temps que les Cham cédaient leurs
territoires aux Viêtnamiens.
Les tour tours de Po Klaong Garai
Le kalan principal et le mukhalinga
L'autre tour est celle du roi Po Romé (qui a régné au XVIIème
siècle), le souverain cham qui aurait introduit l'islam au Champa, au
retour d'un voyage en Malaysie. Po Romé a eu deux femmes, une de son
pays (de l'ethnie Êdê), l'autre était une princesse viêtnamienne.
Celle-ci, prétextant être gravement malade, affirmait à son mari que sa
maladie provenait de la présence de l'arbre Traik dans le palais royal.
Pour qu'elle guérisse, il fallait abattre cet arbre qui était, depuis
des siècles, le garant de l'indépendance du Champa. Amoureux de sa
femme, Po Romé le fit quand même abattre. Miraculeusement, sa femme a
retrouvé la santé. Et les armées viêtnamiennes ont envahit le pays qui
n'était plus défendu par l'arbre sacré. Le pauvre Po Romé est mort en
cage et c'est le dernier souverain du Champa indépendant. D'un point de
vue artistique, elle est beaucoup moins raffinée que celle de Po Klaong
Garai dont elle est un peu une copie et qui démontre l'affaiblissement
artistique qu'ont connu progressivement les Cham avant leur absorption
dans le Việt Nam.
Le kalan de Po Romé
Le roi Po Romé et sa femme (pobablement la femme Êdê qui accepté de
se jeter dans le bucher lors de la cremation de son mari) à l'intérieur
du temple ; l'autre femme (celle qui n'a pas voulu mourir avec son
mari, probablement la reine viêtnamienne - désolé, j'ai pas mes
documents avec moi, mais c'est à peu près ça -) est dans une petite
maison, à côté ; les kut funéraires (sous lesquels est enterré le roi)
; le boeuf Nandin à l'entrée du temple
Le 1er octobre est donc le jour de la fête du Katê. Elle a lieu
simultanément sur trois sites : Po Klaong Garai, Po Romé et Po Nagar.
En ce qui concerne Po Nagar, peut-être cela rappellera pour certains le
temple de Po Nagar (en cham Po Yang Inâ Nagar) à Nha Trang. Il s'agit
bien de celui-là, sauf que lorsque les Việt ont annexé la région de Nha
Trang, les Cham leur ont vendu le temple de Po Nagar (qui est devenu
lieu de culte pour les Việt), et ont reconstruit un tout petit pagodon
pas loin de Phan Rang. Je me suis levé super tôt (5h50) pour y aller
car ça commence à 7h. J'ai donc commencé par aller à Po Klaong Garai.
Déjà, en arrivant, les marchands (Việt) s'étaient installés à
l'entrée du temple. On peut y trouver boisson, lunettes de soleil,
autocollants... Je monte au temple, les drapeaux ont été installés la
veille. La sono est mauvaise... J'attends un peu avec les autres Việt
qui sont là. Ce sont en majorité des gamins venus pour la fête et
escalader sur les tours. Puis le cortège arrive, d'abord une femme qui
porte le drapeau viêtnamien. Puis les dignitaires brahmanistes (en robe
blanche avec un turban à la tête). Des femmes suivent derrière, des
fleurs sur la tête, et agitant un éventail. Tout est bien encadré par
la police. Car les mouvements de foule sont particulièrement surveillés
au Việt Nam, sinon interdits. Le cortège s'installe en différents
endroits du temple.
La foule continue à venir. Les officiels de la province font un
discours. Normal car, après avoir eu du mal à "digérer" les différentes
ethnies qui composent le pays, les autorités viêtnamiennes (dirigés par
des Việt) commencent enfin à intégrer le patrimoine culturel des
différents groupes ethniques. C'est d'autant plus difficile pour les
Cham qui leur pays a longtemps occupé le centre du Việt Nam, des
origines des temps jusqu'àu XVème siècle pour la région au nord de Quy
Nhon, jusqu'au XVIIème siècle pour la région de Phan Rang (en même
temps qu'ils prendront possession de Sài Gòn et du delta du Mékong,
alors au Cambodge). Du coup, l'unité du pays est un sujet difficile et
politiquement sensible. La récupération de la fête du Katê par le
pouvoir est donc un élément primordial pour lui pour intégrer les Cham
au Việt Nam et pour, un peu comme il le fait pour les religions,
contrôler les ethnies pour rester dans la ligne dictée par le parti. En
même temps, la fête du Katê est un élément identitaire pour les Cham et
revendiquer, une fois par an, leur présence et leur culture.
Le Katê à Po Klaong Garai
Après les discours, les femmes ont commencé a dansé, leur pot de
fleurs sur la tête, avec leurs éventails. La foule continue à être de
plus en plus nombreuse. Et sur les abords du temple, les Cham
installent des nattes sur lequelles ils posent les offrandes.
Puis je décide d'aller à Po Romé voir si c'est plus authentique. Je
fonce donc sur ma moto direction Po Romé et là-bas, c'est autant la
foire qu'à Po Klaong Garai. Pour les Việt, le Katê est une sorte de
curiosité comme une espèce de kermesse, rendue populaire par le fait
qu'on soit dimanche. Les enfants boivent des sodas en même temps qu'ils
jouent avec des grosses poupées Power Rangers gonflables. Au milieu de
tout ça, les Cham restent impassibles. Et moi et moi... Le seul blanc,
forcément, j'attire un peu la curiosité. Ce qui devient aussi agaçant
que la kermesse...
Le Katê va se poursuivre dans les familles où les Cham seront plus
tranquillent pour célébrer leur fête. Le 5 octobre, les Cham musulmans
auront, à leur tour, une grande cérémonie puisque c'est le Ramuvan. Là
aussi, à voir les étendards dans les villages annonçant le Ramuvan, il
semble que l'État ait pris à son compte cette autre fête cham.
Je vais donc rentrer à Hồ Chí Minh Ville mardi soir, par train.
C'est plus cher que les cars pour touristes mais comme aucun n'a pour
terminus Phan Rang, difficile d'en prendre un. Ils partent tous de Nha
Trang et c'est donc malaisé d'y réserver une place, car difficile
d'anticiper une heure de passage à Phan Rang, tout comme un endroit de
rendez-vous. Après tout, c'est pas si mal le train. J'ai pris une
couchette climatisée, high class !! Comme entre Đà Nẵng et Hà Nội, en
janvier dernier, avec Yann, Lan Anh et Anthony. Là, c'est un train qui
fait Nha Trang - Hồ Chí Minh Ville, donc j'imagine un trotte-trotte. Je
pars à 19h20 pour arriver à 4h20, soit 9h de trajet, un peu plus, donc,
que par car. Au moins, je vais voir du pay. Et je pourrais dormir !!!
Ce petit séjour aura permis de relever mon niveau de viêtnamien que
je croyais très bas, depuis le début de mon séjour. Mais il est vrai
qu'être "entretenu" par Yann ou Lune ne m'a pas poussé à faire l'effort
de parler ou de comprendre. ;o)
!
Ce que j'aime bien, quand on reste quelques jours dans une ville,
c'est qu'on finit par y avoir ses habitudes. Grâce à ma moto
supersonique, je commence à bien connaître les rues de Phan Rang et les
villages voisins. Et tout de suite, on a une autre vision du
territoire. C'est le géographe qui parle !!! Mais aussi, comme pour
aller au boulot, on a ses petits repères, ses petits magasins... Pas
loin de l'hôtel, j'ai une petite épicerie où je vais chercher mon eau
et mes petits gateaux secs. Ben la dame, dès que je rentre, elle est
toute gentille, pousse ses enfants employés à me servir. Comme un pacha
, genre !!!
Et ce soir, en entrant dans le magasin pour chercher de quoi manger
dans le train demain, je tombe sur une boîte de Lulla... Lulla, à part
le président du Brésil, c'est quoi ? Et ben c'est une marque de
gateaux, de Kinh Do, grande marque nationale qui a ses magasins partout
dans le pays. Comme si Lu avait ses propres patisseries. Et bien, en
regardant de plus près l'emballage, que vois-je ??? De véritable "bánh
Petit Beurre" (bánh = gateau), avec marqué sur le biscuit : "Kido Petit
Beurre Nantes". Des petits beurres nantais, à 10 000 km de la Bretagne
! Je savais les Việt excellents faussaires (t shirt Diesel, vulgaires
tongues Adidas, sacs à dos Nike, j'en passe et des meilleurs), mais là
!! En tant que Nantais, je trouve ça vachement flatteur !!! Je me
demande combien de Việt, en mangeant ces véritables bánh Petit Beurre,
se posent la question de "Nantes, qu'est ce que c'est ???".
You'll love it !