La Bretagne des Hauts Plateaux
Avant de raconter la suite des aventures sumatranaises (je les mets de côté pour plus tard), je vais évoquer mon petit bref séjour à Đà Lạt qui
se termine dimanche matin. Cette ville est indispensable cette année, dans le cadre de ma recherche, car c'est là qu'est situé le Centre des Archives
Nationales n° 4. Il y a en effet un fond qui m'intéresse tout particulièrement, celui de la Résidence Supérieure d'An Nam. Il faut se rappeler que
lorsque la France dominait le coin, la Cochinchine (le delta du Mékong) était une colonie, donc administrée directement par la France. Alors que l'An
Nam et le Tonkin était des protectorats, c'est-à-dire que les gouvernements locaux étaient conservés, mais sous tutelle de la France. Donc, sur l'An
Nam, la France avait un droit de regard sur la politique du pays et n'hésitait pas à faire et défaire les empereurs, certains étant même envoyés en exil
en Algérie (française) ou à La Réunion. Les deux provinces cham qui sont l'objet de ma thèse étaient situées en An Nam, et relevaient donc de la
Résidence Supérieure.
J'ai fait ma demande de carte de lecture auprès d'une jeune fille qui parle français (ouf !!) et je dois attendre 5 jours avant de l'avoir. Ensuite, si
ma demande est acceptée, je peux consulter un index et il faudra attendre encore 10 jours avant d'voir les fonds. J'ai donc encore quelques voyages
de prévus dans le coin. Pour le moment, je ne sais pas exactement ce que je vais trouver dans ces archives, ce qui m'intéresse c'est ce qui touche à
l'agriculture, l'archéologie, la démographie, l'économie... Tout dépend de ce qui est stocké ici, et surtout de ce que les gouverneurs français de ces
provinces ont fait faire à l'époque. Attendons donc la semaine prochaine.
Ma chance est que, justement, Lune et son groupe de choristes de la cathédrale de Sài Gòn font une excursion de quelques jours à Đà Lạt. J'ai
donc profité de l'organisation sans faille de Lune et me suis joint à eux pour le voyage, l'hôtel et quelques sorties. Oui oui, je suis le seul blanc du
groupe, et alors ?
Nous sommes donc partis jeudi dernier, très tôt, le rendez-vous étant 5h à la cathédrale. Le voyage en car m'a permis aussi de dormir encore,
car j'accumule un peu de fatigue (vivement mon retour à la mairie que je me repose un peu). Sur le chemin, nous nous sommes arrêtés à la cascade
de Pouggor, très impressionnantes en période de pluie. Même s'il pleut souvent, les petits flux d'eaux n'étaient pas très importants, il faudra surtout
attendre la fin de la saison des pluies pour que Pouggor livre ses plus belles chutes d'eau. Mais cette petite étape m'a aussi permis de me remettre en
mémoire une caractéristique très importante chez les Việt en voyage, c'est qu'ils adooooooooorent poser. Poser, poser et encore poser. Et ils ont le
don pour ça, le sourrire, la position, tout est calculé. De plus, l'appareil photo numérique offre un cadeau merveilleux à ces poseurs, celui de se voir
tout de suite et de recommencer la pose lorsque celle-ci est ratée :o)
Diable, mais que vient faire ici Kitty ?
La cascade de Pouggor
Esprit de l'arbre, y es-tu ?
Vendredi matin, je suis donc allé faire ma demande de carte aux Archives. Je me suis également posé dans un café tranquille, avec mon ordi,
pour bosser au calme. C'était bien agréable, y'avait un vieux fond disco, et j'ai bien travaillé. Peut-être grâce au café glacé et surtout au jus de
citron + xi muôi aux vertues dopantes bien connues ? En début d'après-midi, lorsque la faim s'est rappelée à moi, je suis descendu vers le marché
pour essayer de trouver un petit resto où manger. Pas mal d'échoppes de fleurs étaient sortis sur la rue, il faut dire que le climat du coin est propice
aux cultures maraîchères et florales qui ne pourraient pousser ailleurs au Việt Nam. Il ne faut donc pas s'étonner de voir des dizaines d'orchidées et
autres fleurs que je ne connais pas, mais aussi sur les étals des marchés des avocats, des choux, des carottes, des artichauds, des fraises. Quant
aux parcs, ils regorgent d'hortensias... Serait-ce là la Bretagne viêtnamienne ?
Mais une grosse pluie m'a surpris et je me suis réfugié dans une gargotte, manger des nouilles sautées, en attendant que tout cela s'arrête.
Festival de fleurs
Plouf plouf, les marchandes, il faut attendre que la pluie s'arrête
Y'en a pour qui la vie (économique) ne peut attendre la fin de la pluie
Moi, j'attends dans ma gargotte
La soirée de vendredi était particulièrement originale puisque la chorale de Lune est allée chanter dans une église d'un village, Lạt, peuple
montagnard qui a donné son nom à la ville de Đà Lạt. Les Montagnards font l'objet de prosélytisme important, je me dois de le souligner. Il est vrai
que ces bons sauvagnes, qui s'adonnent à la cueillette, à la chasse, aux chants et aux danses, et qui vivent moitié nu, ne pouvaient qu'attirer
l'attention des Missionnaires. C'est pourquoi, avant même que la France fasse de l'Indochine une colonie, plusieurs missionnaires sont partis
évangéliser ces peuples. Il faut reconnaître, à leur actif, que ceux-ci ont très souvent permis de sauvegarder une partie de leurs cultures.
Notamment au niveau de la langue puisque très rapidement (et pour les évangéliser), ils ont doté leur langue d'écriture et de dictionnaires. Après
l'indépendance, les missionnaires sont partis. Et depuis quelques décennies, des évangélistes protestants remportent des succès d'évangélisation
importants, ce qui attire les foudres du gouvernement viêtnamien. Pour schématiser, les peuples des Hauts Plateaux sont sous étroite surveillance de
Hà Nội qui pratique la viêtnamisation à outrance de ces régions ou les peuples deviennent minoritaires sur leurs propres terres. L'ancienne rébellion du
FULRO est encore vivace et Hà Nội craint toujours des relants de contestations. Et accuse les Américains, les exilés aux États-Unis et donc, les
protestants, d'entretenir la lutte. Pour ceux que ça intéresse, je vous renvoie vers les sites web des associations des droits de l'homme. Bref, tout ça
pour dire que l'église du village de Lang Bian est tenue par des prêtres viêtnamiens de Đà Lạt qui s'efforce d'entretenir la langue et les cultures
locales, dont les jeunes s'éloignent plus attirés par la ville. D'où une partie de la messe en langue Lạt.
On dirait une cabane canadienne, non ?
Des totems lạt tronnent dans l'église
Sainte Marie, priez pour que leur culture puisse être conservée
La campagne environnante
La chorale (en việt)
La messe (en lạt)
Le soir, c'était très intéressant puisque le groupe a été invité par le village a assisté à un spectacle de danse et de chant lạt, mais aussi à boire
l'alcool de riz... Les Việt ont beaucoup apprécié, les Lạt je sais pas ce qu'ils en ont pensé !!!! Je crois que le chef du village, le meilleur chanteur du
village, a probablement apprécié de jouer ses morceaux et de chanter devant nous !! Apparemment, c'était la première fois que le village faisait cela.
Danse lạt
En image, mais c'est sombre !
Je partage l'alcool avec Hương !
Ce matin, nous sommes allés visiter la vallée jaune, des collines boisées de pins où des petits ruisseaux, des cascades, des bosquets fleuris ont
été aménagés. L'endroit est charmant, mais c'est blindé de Việt qui y viennent par cars entiers... Et oui, si vous vous souvenez de mes premiers mots
sur ce billet, il vous arrivera à l'esprit qu'ils adorent poser. Et là, tous les endroits étaient propice à la pose : les sapins, le lac, les ruisseaux, les
fleurs... Les Việt en rafolent... et j'étais le seul blanc...
C'est joli quand même, non ?
Clic clac, les Việt aiment la pose !
Moi aussi je me prête au jeu :o)
Puis, nous avons visité un endroit très serein, spécialisé dans la broderie de très haute qualité... Avant de finir l'excursion dans un magasin où les
Việt se sont rués vers les confitures de fraise, les fruits confits, la viande de cerf séché, le thé à l'artichaud et le pollen des abeilles.
Un thé dans un endroit calme où l'on brode merveilleusement bien ??
Confitures et fruits confits
Demain, c'est le retour à Hồ Chí Minh Ville...